La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (dossier législatif consultable) n’a pas encore été publiée, cependant suite à plusieurs recours au 49,3, le projet de loi est désormais adopté.
Sauf changements, notamment du fait que le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur son contenu, les nouveautés « paie » qui devraient nous impacter sont les suivantes :
Arrêt de travail pour interruption médicale de grossesse
En cas d’interruption de grossesse justifiée par motif médical :
👉 Les femmes pourront bénéficier des IJSS sans délai de carence, dès le 1er jour (date d’effet à prévoir par décret, au plus tard le 01/07/2024)
👉 Pas d’incidence sur le droit au « maintien de salaire employeur légal » qui intervient à partir du 8ème jour
Remarque : l’entrée en vigueur de la mesure prévoyant une suppression similaire de la carence IJSS en cas de fausse couche est toujours en attente de son décret.
Frais de transport domicile-lieu de travail : extension aux services de location de vélos privés
L’employeur doit actuellement prendre en charge 50% des frais de transport des salariés engagés pour les trajets domicile-lieu de travail, ce qui comprend :
- Les frais de transport public
- Les frais d’abonnement aux services publics de location de vélos
👉 La LFSS 2024 (art. 22) ajoute à la liste les frais d’abonnement aux services privés de location de vélos
👉 L’obligation sera effective à compter du 1er juillet 2024.
Groupements d’employeurs : modification des règles de calcul des effectifs sécurité sociale
Actuellement les salariés mis à disposition par une entreprise, au profit d’une entreprise utilisatrice, comptent dans l’effectif « sécurité sociale » de l’entreprise qui met à disposition ces salariés.
Il en est de même pour les salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs.
La LFSS 2024 (art. 21) prévoit qu’à compter d’une date à fixer par décret, et au plus tard le 1er janvier 2026 :
👉 Les salariés mis à disposition par un groupement d’employeur au profit d’un de ses membres compteront dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice, pour apprécier l’effectif « sécurité sociale », sauf pour la tarification AT/MP
👉 Pour la tarification AT/MP, par exception, ces salariés compteront dans les effectifs du groupement d’employeurs
Rupture conventionnelle : l’indemnité de rupture voit son régime social clarifié
Depuis le 1er septembre 2023, le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle est modifié (cf Newsletter SNP – 2023-08), et ne distingue plus selon que le salarié est ou non en mesure de bénéficier d’une pension de retraite.
Toutefois, le code de la sécurité sociale pouvait présenter une ambiguïté car il subsistait une référence au régime fiscal pour la détermination des exonérations de cotisation.
Or le régime fiscal lui, n’a pas été modifié au 1er septembre et distingue toujours selon que le salarié est en droit de bénéficier d’une pension de retraite : il y a donc une contradiction entre cette référence au fiscal et le caractère « unifié » qui devrait résulter de la réforme pour le volet social.
Le BOSS, dans l’intervalle, s’est positionné en indiquant que les indemnités de rupture conventionnelle étaient exonérées de cotisation même lorsqu’elles étaient imposables.
La LFSS (art. 23) lève le doute et modifie l’article L242-1 du Code de la sécurité sociale, allant dans le même sens que l’interprétation donnée par le BOSS.
Ainsi lors de l’entrée en vigueur de la LFSS 2024 on pourra considérer comme confirmé le régime suivant pour l’indemnité de rupture conventionnelle :
👉 Régime fiscal : pas de changement, l’indemnité est toujours imposable pour les salariés en mesure de bénéficier d’une pension de vieillesse
👉 Régime social : l’indemnité est exonérée de cotisations et de CSG/CRDS dans les limites légales, sans tenir compte de sa fraction imposable
Réduction de cotisations patronales AF et maladie : les limites sont abaissées (désavantage pour les employeurs)
Actuellement :
- Le taux réduit de cotisations patronales Allocations Familiales (3,45% au lieu de 5,25%) bénéficie aux employeurs sur la rémunération des salariés n’excédant pas 3,5 SMIC sur l’année
- Le taux réduit de cotisations maladie (7% au lieu de 13%) bénéficie aux employeurs sur la rémunération des salariés n’excédant pas 2,5 SMIC sur l’année
Constatant que l’augmentation du taux du SMIC conduit logiquement à une hausse des limites d’exonération ci-dessus, le gouvernement a introduit dans la LFSS 2024 (art. 20) une mesure pour faire cesser cette augmentation automatique du taux du SMIC à prendre en référence :
👉 Le taux du SMIC à utiliser pour apprécier les seuils de 3,5 et 2,5 SMIC applicables à ces cotisations ne sont plus ceux en vigueur sur la période de calcul, mais sont définitivement fixés au taux du SMIC applicable au 31 décembre 2023.
👉 Un montant plancher est fixé : les limites d’exonération résultant de l’opération ci-dessus ne pourront être inférieurs à 2 fois le SMIC de l’année concernée.
Un décret d’application sera encore nécessaire pour l’entrée en vigueur de cette mesure.
Collecte de la contribution de formation et de dialogue social par l’URSSAF : c’est prévu pour 2026
Depuis le 1er janvier 2022, la déclaration de contributions à la formation professionnelle continue et de taxe d’apprentissage, ainsi que leur collecte, s’effectuent via la DSN, et sont désormais adressées à l’URSSAF (ou MSA ou CGSS selon la situation de l’entreprise).
S’agissant de la contribution à la formation continue, ce transfert de la collecte de l’OPCO aux URSSAF n’a été effectif que pour la part légale de la contribution (0,55% ou 1% de la masse salariale de l’entreprise, selon que l’effectif est inférieur ou au moins égal à 11).
Or certaines entreprises sont assujetties, par exemple en vertu d’obligations conventionnelles, à un taux de contribution à la FPC supérieur au taux légal, voire à des contributions supplémentaires au financement du dialogue social. Ces contributions, supérieures au légal, ne pouvant être transférées aux URSSAF, continuent d’être collectées par les OPCO.
👉 La LFSS 2023 (art. 13) prévoit un transfert possible de ces contributions à l’URSSAF dans certaines conditions :
- Seraient concernées les contributions conventionnelles de FPC et de dialogue social
- Les contributions seront transférables uniquement si elles respectent certaines caractéristiques relatives à leur assiette, leur taux, leur périodicité déclarative
- Une convention devra être préalablement conclue entre les partenaires sociaux de la branche professionnelle concernée et l’URSSAF caisse nationale ou la Caisse centrale de Mutualité agricole
- Le modèle de cette convention est encore à fixer par arrêté, et comportera des mentions obligatoires
- Le transfert ne pourra pas avoir lieu avant le 1er janvier 2026 (et à compter du début de l’année civile suivant une période d’au moins 6 mois après signature de la convention)
URSSAF et AGIRC-ARRCO : le recouvrement des cotisations est aménagé
La LFSS 2024 corrige tout d’abord un point qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel dans la LFRSS 2023 : l’abandon du transfert des cotisations AGIRC-ARRCO et APEC aux URSSAF.
Les contributions AGIRC-ARRCO et APEC ne seront donc pas transférées aux URSSAF au 1er janvier 2024 (article 13).
D’autres mesures sont prévues pour renforcer toutefois la coordination entre l’URSSAF et les caisses AGIRC-ARRCO :
- Opposabilité de certaines sources juridiques URSSAF aux caisses AGIRC-ARRCO (procédure d’arbitrage de l’ACOSS, circulaires SS, rescrit social URSSAF)
- Echéanciers de paiement : l’URSSAF répondra à leur demande en informant également l’AGIRC-ARRCO de sa réponse, et en cas d’accord, l’employeur obtiendra également un échéancier pour les cotisations patronales de retraite complémentaire
- Fiabilisation des DSN
- En cas de redressement URSSAF ayant un impact sur les droits des salariés, les caisses AGIRC-ARRCO seront informées pour permettre la correction de ces droits
Taxe sur les salaires : nouvelles exonérations
Concernant les Groupes TVA : sous certaines conditions, les rémunérations versées par l’employeur membre d’un assujetti unique d’un groupe TVA pourraient être exonérées de taxe sur salaires (art. 14).
Les établissements publics de coopération environnementale se rajouteraient à la liste des employeurs exonérés de taxe sur salaires (art. 8).
Autres mesures
En matière de retraite progressive :
- Pour les mandataires sociaux : correction des textes pour empêcher l’exclusion « accidentelle » de certains mandataires sociaux depuis la loi du 14/04/2023
- Exclusion du bénéfice de la retraite progressive aux préretraités, sauf préretraite en cours au moment de la publication de la loi
- Correction d’une incohérence de procédure : les salariés souhaitant bénéficier d’une retraite progressive pourront le faire auprès de leur employeur sans attendre d’avoir l’âge requis (de façon à ce que la signature d’un avenant à temps partiel ou réduit puisse être anticipée pour transmission à la caisse de retraite), afin de pouvoir effectivement bénéficier de leur retraite progressive dès le moment où ils y auront droit
Pour les congés de proche aidant : la LFSS 2024 crée un droit rechargeable à l’allocation journalière dont bénéficie le proche aidant, lorsque celui-ci s’occupe de plusieurs personnes.
Arrêts de travail : en cas de contre-visite diligentée par l’employeur, la procédure est modifiée :
- Le médecin-contrôleur devra transmettre au service du contrôle médical de la CPAM son rapport y compris quand il estime que la durée de l’arrêt prescrit n’est pas justifiée
- La transmission du rapport devra être faite dans les 72h, contre 48h actuellement
- Par défaut, la CPAM devra suspendre les IJSS (à compter du moment où le salarié sera informé de la décision, ou, en cas de durée jugée injustifiée, à compter de l’échéance retenue par le médecin-contrôleur)
- Dans le cas contraire, la CPAM devra procéder à un nouvel examen
- Le nouvel examen par la CPAM sera obligatoire dans certains cas : en cas d’affection longue durée, ou pour suspendre les IJSS suite à une impossibilité par le médecin-contrôleur d’examiner l’assuré
⚠Mesure contestée devant le Conseil constitutionnel : à suivre
Pour les arrêts de travail prescrits en téléconsultation :
- Les arrêts prescrits ou prolongés lors d’une téléconsultation ne pourront pas porter sur plus de 3 jours ou avoir pour effet de porter à plus de 3 jours la durée d’un arrêt de travail en cours…
- …sauf prescription par le médecin-traitant ou la sage-femme référente de l’assuré…
- …ou sauf impossibilité justifiée de consulter, en « présentiel » un professionnel médical compétent
⚠Mesure contestée devant le Conseil constitutionnel : à suivre
Articles de presse spécialisée :
RF Paye – LFSS 2024 : abandon du transfert aux URSSAF du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO et APEC
gestiondelapaie.com – PLFSS 2024 : de nouvelles mesures pour limiter les arrêts de travail